vendredi 14 décembre 2018

Au pied du château des Ducs

 
 
 
 
C’est ainsi que la nuit m’a envahi au pied du château, 
quand  on refusait du monde au « Cinématographe » 
 pour la projection unique d'une version restaurée de « 2001, L’Odyssée de l’espace » 
 étouffée de spectateurs. 
 
 Refoulé, je rejoins le surplomb des douves, 
 longe la muraille, m'oriente vers le fleuve, loge un café, y pénétre, 
le traverse jusqu'à une rue que je fends à son tour
 avant d'enquiller le centre piétonnier
à la nuit quadrillée d'enseignes 
la nuit insaisissable
en surface de laquelle une foule chantante, un peu grise, 
évolue indifférente à la noirceur
il fait nocturne sur les gens
 les groupes s'offrent un paseo devant les restaurants 
derrière les vitres desquels des jambes croisent 
et décroisent en paquebots de luxe
la nuit se dit vraie
répandue multiple se déversant 
elle illumine
dans le pinceau de ses phares d'autres jambes gainées de soie
 tendues de toile, des bonnets enfoncés aux oreilles d'où cascadent des cheveux aux reflets libertaires, 
des bottes, des sacs, des absences, des trajets solitaires – que, trop moi, j'évitais - 
des bandes comme des poissons attablés ou flottant au-dessus du pavé
comme des oiseaux assemblés au crépuscule pour commenter les affaires du jour

la nuit peine à se faire noire
elle pousse le passant dans des tunnels dorés, au hasard des creux de Noël
l'oreille saisit des sabirs
l’œil capte des trajectoires
le pas s'épargne une influence - sa mécanique indépendante fait l'homme aller malgré lui, 
pauvre ou riche, déprimé ou gaillard - 
 
 la nuit au pied du château était temps de suspens,
 étiré, déformé, comme celui qu'offrait Kubrick dans sa pellicule
 dont les cinéphiles nantais m'avaient privé
me rejetant au hasard de la rue

j'étais dans l'espace 
incapable de situer l'avant l'après
quand soudain
le château a resurgi
évidence du temps venu
de partir 
disparaître 
se fondre 
dans la nuit
14 décembre 2018
 
 
 
 

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