samedi 27 février 2021

Poème du reconfinement 10 : Rage de confiné




     Quelle couleur, la rage, en camp de réfugiés ? 

        Vert, bleu, jaune, rouge ? 

    Sang, morsure, délire ? 
 	Quelle température rend digeste sa cuisson ? 
  	De quelle dose d’espoir la couvrir pour l’amadouer ? 
  	Un réfugié est un mort. 
        Vidé d’espace. La vie barbelée.
        Lutte mécanique pour un brin de toile, un bout de toilettes, 
        un fond d’huile, trois dattes. 
        Il a quitté la vie et la vie l’abandonne. D'autres vies ont filé.
        Trois coups de machette, une rafale de mitraillette. 
        Restent les rires des rafaleurs.
        La vie s’est absentée en laissant claquer ses mâchoires dans la seule chair 
        à sa mesure : un cœur de survivant. 
 
 	Où est le monde, demande le réfugié ? Le vrai monde de fruits empilés,
        de tissus lavés séchant au vent, d'étals de poisson frais, de manioc frit, 
        de douces chauves-souris ? Ce monde qui désormais l’ignore ?
    Sa tente est un écran éteint à l’heure où dansent les hémisphères.       
        Et si les gardiens insomniaques - le froid, la faim - parfois rendent les armes, 
        abrutis de campagnes humanitaires, ils ne dissolvent pas la rage. 
        La rage est un vernis trop dur. Une fois injectée elle se duplique, infecte, 
        colonise les nerfs et les aortes.
 
 	L’homme est fait pour partir.
 	L’homme est fait pour rouler, marcher, suivre le soleil à l’envers, se poser, 
        partir encore, parce que la fille, parce que le garçon est ailleurs.
        Le bonheur a le charme du décalage, toujours déporté. 
        Il exige d'autres gages que ceux des passeurs. Attendre, attendre. 
        Il faut attendre encore. 
 	Le réfugié sait le Covid, comme il sait les gestes-frontières. 
        Mais il est contagieux d’autre chose. Sa rage ravage tous les âges, 
        présage mauvais que l’on encage : « Sage, sois sage, le temps viendra ». 
        Et Tindouf attend. Le Liban attend, le Congo, le Honduras, la corne de l’Afrique
        attendent. La rage attend dans des gares plombées de temps, 
        où les aiguillages ont disparu. Elle ne sait où aller. Elle a perdu ses couleurs. 
        Elle est lave lourde, qui envahit les voies de sa viscosité.  
 	Les trains ne rouleront plus. Les trains ne viendront pas. 
        Ils brûleront d’un feu bouté par des radeaux sans rame, 
        sans voile, bâtis d’hommes-rondins entrecroisés, qui nus et dépecés,
        iront à l’océan noyer leur rage. 
 
 26 février 2021
 
Michèle CATTANI Afp

mardi 16 février 2021

Coup d’État en Birmanie

 

Qui es-tu toi
Le militaire
Pour dire le droit
Et taire les formes
Et de quel droit
T’installes-tu
En uniforme
Dans le fauteuil
Des gens élus
Fais-tu main basse
Sur chambre haute
Et chambre basse
Qui es-tu donc
Pour vouloir tout
Ce qui est aux autres
Pour inverser
La pyramide
Annihiler
Les isoloirs
Faire de la vie
Un champ morbide
Oui qui es-tu
Pour prendre place 
Dans les jardins
Les parcs les places
Chassant les belles
Et les beaux garçons
Les vieux tranquilles

L’âge des casernes
Est révolu
Rentre donc 
Vieille baderne
Briquer tes bottes


Coup d’Etat militaire en Birmanie 1er février 2021

Afp

lundi 15 février 2021

Quans passent les teufeurs

 
 
 
 
Ça montait des trottoirs
Tel les brumes d’un fleuve
Une sagaie de sons
Dans l’opale du jour

Soudain devenus branches
Les réverbères vibraient
Pavant les ruelles sourdes
De systems et de sounds

Les teufeurs rois du monde
Nageaient heureux en nage
Recouvrant la minaude
Des sifflets policiers

Ils connaissaient le piège 
A leurs plages d’arpèges
Quand le préfet «...deux...un...»
Couperait le courant

 
 

Manifestation Maskarade à Nantes 13 février 2021

 


 

 

vendredi 12 février 2021

Poème du reconfinement 9 : Le son du silence




Le froid ferme la fenêtre
Les inondations bouchent la rue
Marcher devient un art
Ne se distraire qu’au jour
Piaillaient jadis les crieurs
Défilaient fort les Soundsystem
L’oreille servait à autre chose
Qu’à écouter cliquer le pêne
Dans la serrure des quatre murs
L’entends-tu ce silence du soir
Qui tue l’espoir de te voir
Je fouille au fond du téléphone
Ta silhouette reste atone
Le néon du silence sent bizarre
Et le son de la pluie n’est plus
Qu’ivresse pour clochards ratés
Une fois le couvre-feu sonné


9 février 2021



 

vendredi 5 février 2021

Alexeï NAVALNY

 




Voici venue la nuit de l’oppression
Les rouages les couloirs les cellules
Les cliquetis le cerveau capturé
Le soleil à gueule de néon
La gardienne adonnée à Méduse
Quels parfums mettra-t-on dans tes veines

Dehors les rues que tu n’entends pas
Les dents qui tintent les tweets qui grincent
Le pavé demande ce qui bat si fort
On butine les fleurs de la rage
Pour qu’un rayon de miel
Passe les barreaux de ta cage
Et la nuit t’appartienne

Ils crient parce que tu as crié
Ils osent parce que tu as osé
Ils disent ce qu’hier ils taisaient
Ta couche maigre n’est pas l’essentiel
On pourra t’oublier tu le sais te salir 
Le pouvoir est roi à ces tours de passe-passe
Il reste l’espoir qu’un jour la lumière efface
La nuit de l’oppression


Manifestations en Russie pour la libération d’Alexeï NAVALNY
23 janvier 2021