vendredi 24 février 2017

Ils sont douze écrivains


Ils sont douze
Douze écrivains emprisonnés
Ou menacés de l'être
Que certains courageux *
Ramènent à la mémoire
Interdit d'oublier
Un sommeil léger doit suffire
Quand pour eux une pensée pèse d'or

Ils sont douze
Brisés morfondus frappés
A vue gardés dans des geôles sales
Accusés par un État qui terrorise
Asli Erdogan dit
Entre mes mains il n'y a plus rien
Je suis à leur merci

Ils sont plus de deux mille
Juges procureurs incarcérés
Que pitoyablement remplacent
Des bachoteurs en droit
Ils sont cinquante mille
Fonctionnaires révoqués suspendus
Sans autre salaire que la peur
Et la glaire populaire

Ils sont un peuple violenté
Dépossédé de ses choix
Vivre simplement vivre
Devient hors de portée
La vie n'a d'éclat
Que dans la pupille
De quelque desposte 
Affolé

dimanche 12 février 2017

Abattoir humain

Le rapport d'Amnesty International sur la prison de saidnaya



Saidnaya

Abattoir humain

La fin de la vie

La fin de l'humanité

Espace clos absurde

Où des hommes s'accrochent à rien

D'espoir

Quand les attend la pendaison

Une table qui branle

C'est le tribunal en sous-sol

Une minute pour perdre la vie

A l'étage on entend

S'étouffer gargouiller

Des gamins parfois

Trop légers pour mourir

D'un coup net

Qu'on décroche et qu'on brise



Saidnaya

Partout et nulle part

Pont en feu vers l'abandon

La terreur le néant

Des bourreaux qui se fuient dans la fête

Les victimes annulées

Quelque chose d'immanent

Passant les siècles

Comme si l'homme n'avait de cesse

De détruire ses rêveurs








7 février 2017, rapport d'Amnesty International
sur la prison Saidnaya de Damas , Syrie

lundi 6 février 2017

Flots ivres




et l'eau coulant des nues
alarmait les ruisseaux
gonflés là de rapides
embouillonnés d'humus

de crémeux tourbillons
affolait les bordures
raflait des nids de vie
et les enfants ravis
enfin pris pour de vrais
capitaines au long cours,
Long Silver John corsaires,
bandits borgnes manchots,
qu'adultes devenus
ils se regretteraient

et l'eau précipitée
des nuées éventrées
affolait les chemins
les barbouillait de boue
bousculant les frontières
fondant terre et racines
en Anschluss végétaux

à celui qui croyait
qu'il aurait un destin
à marcher sous la pluie
d'un coup perdait la main
et le pied et la tête
dans la faim s'enfonçait
goutte redevenait

et les eaux bombardées
se déchiraient dun ventre
plein de billes
avides de hâcher
pénétrer labourer
défoncer
des billes folles de vie
ensemencées de cycles

bousculer l'ADN
faire trembler les femmes
qui gisaient en gésines
gémissantes...
avant de tout jeter
dissoudre … absoudre
d'attendre un deux ou trois
univers le déluge un big bang
des soleils d'holocauste
et puis plus tard enfin
à court d'idées à sec
recoudre





Intenses précipitations, 5 février 2017