vendredi 27 décembre 2019

Fariba ADELKHAH


 L’horizon disparaît
Soudain
Clefs bruit peurs
Fausses nouvelles
Fausses joies à chaque éclat de voix
La nuit est dedans dehors
Où est le jour
On nous demande de ne pas être 
D’être autres espionnes
Des transfuge des hyènes
J’y serais presque tant j’ai froid
Tant j’ai peur d’oublier
L'odeur du café frais
Le vol lourd des pigeons
L'eau courant vers la mer
Kylie et moi parquées par qui
Nous crions
Gorge ouverte sur peut-être la mort
Refusant désormais d’autre aliment
Que l’air qu'au moins
Personne ne peut enfermer  
 
24 décembre 2019
Fariba Adelkhah, anthropologue française incarcérée en Iran en juin 2019
entame une grève de la faim 
Photo DR

samedi 30 novembre 2019

XINJIANG


Il est paraît-il
Un peuple entier assombri
Par l’absence de lune
À qui l’on apprend à vivre
Sous l’œil des caméras
A qui l’on dit quoi penser
Et à quoi bon penser

Pour qui l'on voit loin on voit grand
L’exil des religions
L’exit d’une langue
Au surplus
« Arrêter ceux qui doivent l’être »*
Désinfecter les idées
Est une belle idée

Il est paraît-il
Un peuple que l'on parque 
Comme ces bêtes qu’on mène
Au nom de l’espèce humaine

 

1 à 3 millions d’Ouïghours enfermés dans des « centres de formation professionnelle »
New York Times, 16 novembre 2019 
* Chen QUANGO, chef du parti de la région autonome du XINJIANG (Chine)

mardi 29 octobre 2019

Adios Franco


adios Franco
quarante ans de plomb
dézingués
d'un bond d'hélico

les victimes écoutent
les victimes respirent
exultation
pour une exhumation

quarante ans de terreur
où tu t'es cru César
quarante ans de tombeau
boursouflé ridicule

il faut fuir maintenant
tous masques abattus
laisser la vallée s'apaiser
au lit des ossements
des cailloux et des rocs
des tombées de soleil
la balaguère en drapeau

cette paix va coûter
au cercueil d’à côté
car supportera-t-elle
ta femme de Madrid
un vaniteux machiste
l’obligeant au réveil
au salut phalangiste



Exfiltration du cercueil de Franco de la vallée de Los Caidos
24 octobre 2019

(AFP)

dimanche 20 octobre 2019

Xylella fastidiosa, la tueuse d’oliviers


La terre peut être tapis d’amertume
Le ciel verser du plomb bleu azur
Le gel trancher net les fruitiers voisins
Il vit d’une larme d’une goutte
La racine têtue le feuillage emboulé
Les branches compactement solidaires
Il vit de bouts de vents d'ouest venus
Jamais les siècles ne lui ont fait peur

Or comme au lion le roi de la fable
Voilà qu'un minus pourrait le tenir
L’affaiblir jusqu'à le tuer 
Un drôle de zigue du genre cicadelle
Transporté des Pouilles via la Corse
Un million (et demi) de victimes 
Des troncs droits devenus des dépouilles
Des arbres qui ont vu Garibaldi
Son père grand-père et son arrière grand-père
Morts

L’olivier veut la paix
Il en vit
Il est prêt à signer
Sur ses feuilles un compromis
Mais qui pour raisonner l’insecte tueur




Arrachage d'un olivier multicentenaire du parc de Carnolès à Menton
contaminé par la bactérie « Xylella fastidiosa »
septembre 2019
(Coatsaliou, AFP)

« Les hirondelles de Kaboul »

à voir
à voir
à voir
Parce qu'il n'y a rien à voir
Parce que l’on ne sait rien
Parce que tout est éteint
Le rire interdit
La femme proscrite
La musique bannie

à voir
à voir
à voir
Parce que l'on baisse les yeux
Devant des imbéciles
Qu'on empêche les mains
De toucher d'autres mains
Qu'on rouille les amoureux
Les élans tournent en rond

Elle
Elle dit qu'il faut vivre
Oser le futur
Les enfants apprendront
Lui
Regarde dehors
Tristement le désastre

Ah ! si des montagnes
La joie pouvait jaillir
Si les hirondelles du ciel
On pouvait enfourcher
Mais les chiourmes au village
Font courber la tête
Et soupirer les âmes

Film de Zabou BREITMAN  et Elea GOBBE-MEVELLEC
Sortie 4 septembre 2019
(d’après un livre de Yasmina KHADRA, 2002)
 
 

jeudi 26 septembre 2019

L'amateur de sumo terrassé



Il est revenu au silence
dans la paix des siens
avec quelques secrets
conservés sous la veste

Il levait les verres
pognait les mains 
flattait les vaches
se reposait aux alcôves
qui étaient ce qu’elles étaient

Le sourire carne-acier 
crevait l’écran
visage inchangé
identité variable
qui a faim de la fin
sans fin aiguise ses dents

Il reste 
un tremblement de l’histoire
un jour à Jérusalem






Mort de Jacques Chirac
ancien président de la République française
26 septembre 2019


lundi 2 septembre 2019

Steve

 
 
 
 
 
Regarde un peu teufeur

 Écoute mieux DJ
 
Refait le film de la nuit
 
Relit le livre ivre
 
Écrit de cris haineux
 
Reprends les pas de transe
 
Rappelle-toi les « non pas couper »
 
Les jurons les orrions
 
Revois le quai le fleuve
 
Demande-toi 
 
A qui ils appartiennent
 
Qui est le citoyen
 
Qui est le légitime
 
Qui a cassé la règle
 
Pondu l’œuf premier



Noyade de Steve Caniço, dans la Loire à Nantes, la nuit de la fête de la musique
21 juin 2019

dimanche 4 août 2019

Nicole KLEIN

 
 
 
 
 
 
 
Elle
Ni Judith ni Salomé
Mais lui 
Pour elle 
 Un salaud
Qui pour sauver sa peau
Inversa le plateau 
Et livra au public
Sa tête de préfète

Elle
Qui servait de rigueur
Lui prêtant sa retraite
Ne comptant pas ses heures
Le protégeant des tuiles
Huile autant utile
Que son sacrifice inutile

Elle
D’un coup  de pince sec
Se voit rayée des cadres 
Biffée des menus
Manu 
Militari
Dicule 
 
 
 Limogeage de la directrice de cabinet du ministre de l'écologie 
après les révélations de Médiapart concerant François de Rugy
10 juillet 2019

jeudi 11 juillet 2019

Claro que es triste

 
  
 Tant s’était-on fait
Au visiteur de livres
Décalés 
Raclant à gratte-poil
Les audaces adossées
Au fil des pages

Qu'on reste l'oeil ballant

Alors quoi s'il part
Qui foutra des raclées
Traquera le foutraque
Magnifiera l'estyle
Comment lire de côté
Pleurnichons donc 
Lecteurs Claro-maso
Sauf à savoir qu'il va
Sur Clavier cannibale
Renaître de ses cendres
En dévoreur phénix
Des aplombs littéraires



L’écrivain Claro met fin à sa collaboration au Monde des livres
12 juillet 2019

Adieu Vincent Lambert

 
  
 Trouve ta voie Vincent
Dans les poudres les parfums
Les tiges les fruits les cris
Qui ont manqué depuis onze ans
Puise dans les éclisses
Des grands bateaux du ciel
Les volutes de nuit claire
Vogue 
Stellaire
Seul et libre
Pulse au firmament
Sans eau sans âme sans aliment

 
 
  Mort de Vincent Lambert, en état végétatif depuis 2008
11 juillet 2019 
 

lundi 8 juillet 2019

Joâo GILBERTO




Si, malgré tout, c'est la joie 

Joâo

La joie du son

Joie de la voix

La voie fendue

Dans la mer noire dictatoriale

D'un Brésil un temps fourvoyé

La joie de l'homme-oiseau


Heureux sur sa branche

A dominer les rivières

A partager les notes

Avec le ciel et sa compagne

Si, c'est la joie

Joâo

Malgré tout

A bosser la bossa

Ta fin n'en est pas une 

 
Mort du musicien Joao GILBERTO
Rio de Janeiro, 6 juillet 2019

dimanche 7 juillet 2019

Stromboli



Sermon sur le volcan
Leçon de la terre
A la terre
Eruption qui dit
Qu’à trop gratter la planète
Elle se fend
D'un message
En langage des signes
Panache blanc pour perdre les avions
Pierraille en rejet des grimpeurs
Lave coulée pour noyer les excès
Et la cendre qui monte
Et descend tout coffrer
Écoutons les entrailles
Éructer



éruption au Stromboli, 3 juillet 2019, 16 h 40






jeudi 20 juin 2019

Morsi, mort sans sursis


Injustice de la mort
Qui frappe hors des horaires admis
Pas d’annonce elle débarque sans carte
Parfois un sourire
Parfois en costume
Rafle à tous les tapis les paris
Quoi qu'on dise
Quoi qu'on mise
Et lui qui n'avait senti
Ni son peuple
Ni sa vie
Morsi qu'on laissait quand même
Psalmodier à l'audience
S'effondre en cinq minutes
Verdict au paradis
Où la loi connaît pas


Mohamed Morsi, ex-président égyptien, meurt en audience
17 juin 2019

 

Drone de drame (USA vs IRAN)









L'héritier paresseux
Tressaute dans son gras
Rit fort feint
Lourd de mauvaise foi
Faux roi de l'échange
Gamin dangereux
Gros d'acné nucléaire
Qui casse les jouets
Des autres
Ces autres
Qu'une colère
Tolère
Monnayable
Au-delà des frontières




(Drone américain détruit dans l'espace aérien iranien;
19 juin 2019)

mercredi 12 juin 2019

Sit-in à KHARTOUM







le brouillard habillait le matin
des galettes à même le sol tendres
la fumée enivrait
les mots enveloppaient
mieux que les pagnes
les voisins étaient beaux
les murs souriaient
la Colombie livrait ses fumeurs
béats comme des coquillages
les chats au loin surveillaient
ils iraient griffer ailleurs
brumes fumées nuages
soulevaient martelaient chauffaient
l'Université apprenait
la peur rassasiait
les mains s'emmêlaient
il y aurait un demain
pacifié et civil
une brume rieuse
d'où jaillirait le jour






Sit-in de la population soudanaise devant le quartier général de l'armée
11 avril-3 juin 2019
photo Laurent VAN DER DONCK

mardi 4 juin 2019

Les sourcils de Michel serres







Elle dit beaucoup cette broussaille
En folle avoine sur les yeux
Plaisir de suivre les abeilles
Autant qu'un propos de Leibnitz

Marcheur grimpeur useur d’à-pics
Sans un soupçon de savoir sec
Surfant serein sur les réseaux
Un pied en mer l'autre au volcan

Voix de rocaille
Servant la science
Pensée ondine au débit clair
Maître des mots sans maître-mot

Il y a du sage dans ce prophète
Embroussaillé en apparence
Qui fait le phare 
Jamais le fort





Mort de Michel Serres,
9 septembre 1930–1e juin 2019

samedi 1 juin 2019

On the road





marcher
se consumer
comme Cassady
le long des rails

tenir le mouvement
s'en tenir au mouvant
pas de pas d'arrivée
rechercher nulle part

marcher en soi
sauter la vie
sur les traverses
loin du train-train

siffler dans la nuit sœur
le coeur de la noirceur
peu importe le froid
tant que la tête se troue de vents

au ciel d'un doux frou-frou
les étoiles percent
marcher sur la déroute
en vrac
du métal nu 
sous les pieds nus


1er juin 2019
anniversaire d'OV

mardi 14 mai 2019

Symphony of Sorrowful Songs




J'attends
Étendu
Le foin ravale ses couleurs
Des cuillères frappent le ciel
L'air coud les nuages autant qu'il les éventre
Une voix fuse d'entrailles incertaines


Dans l'attente
Étendu
J'écoute les tracteurs
Casser la campagne
Des chiens aboyeurs
Les hèlements de cyclistes
Prompts à frotter le rocher


S'étendre
N'est plus attendre
Quand l'histoire est finie
J'attends pourtant
Défait de savoir
Qu'arrive ce qui doit
Là où le foin déjà
N'est plus


6 mai 2019
(Curiously inspired by the documentary « Symphony of Sorrowful Songs (H.Gorecki) from Beth Gibbons »  (2014)

samedi 11 mai 2019

Sauver le buis






Sans bruit le buis s'enfuit
Envahi de chenilles
Reines de l'effeuillage
Accrocs de l'écorçage
Qui l'aiment à s'en fourrer
Les pattes et le corsage

Faut-il dire adieu
Au suprême art topiaire
Que ce bois élit au top
Adieu aux champignons 
A lui seul attachés
Aux vingt invertébrés
A lui inféodés

S'il venait à mourir 
D'un coup de papillon
S'annonceraient les plaies
De grands espaces secs 
De spores asséchés
La tristesse à Versailles
Des forêts affaiblies
Des pentes sans obstacle

C'est pourquoi l'Inra dit
Il faut sauver le buis
Où l'on grava l'écrit
Il y a trois mille ans
Il faut sauver le buis
Pour sauver notre peau


Ravages de la pyrale du buis 
(cf.Hervé Jactel, directeur de recherche à l'INRA,
Le Monde, 2 mai 2019)