Poème du reconfinement 12
Être une huître
s’ensabler dans les grands fonds
pousser du pied remonter
entrebâiller la coquille
découvrir le soleil
pleine chair plein corail
s’iriser de couleurs
s’arroser de colère
émerger replonger
chercher le banc des camarades
s’y asseoir cinq minutes avec elles
glisser à l’orée des fleuves
emboucher les deltas
éviter le couteau
des chasseurs le panier des cueilleurs
pousser au cul les saumons
apprendre l’affût les techniques
moche à l’extérieur maîtriser la laideur
revendiquer pics armure cuirasse
être huître à l’intérieur
molle mollusque molasse
édredon rempli d’iode
coussin de vie taie de parfum
frondeuse gardant la tête froide
être loin oublié
un caillou coupant que l’on craint
qu’on laisse dormir
dans sa vie de bel oncle belon
de marraine marenne
de scandale cancale béguin banc d’Arguin
tranchant jusqu’à la parole
quand on ne sait pas la prendre
qui s’exhale fétide si trop on l’exhibe
être huître pour jouir et bailler
cligner de la bulle à la vie
aussi capable de pincer la peau d’un requin
que s’étourdir dans un tourbillon de sardines
vivre cent ans
certains disent mille
d’autres même toujours
nacre et calcaire époux l’un à l’autre
croissant dans les vagues
les océans pour mère
les courants pour frontières
26 mars 2021
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