C’est ainsi que la nuit m’a envahi au pied du château,
quand on refusait du monde au « Cinématographe »
pour la projection unique d'une version restaurée de « 2001, L’Odyssée de l’espace »
étouffée de spectateurs.
Refoulé, je rejoins le surplomb des douves,
longe la muraille, m'oriente vers le fleuve, loge un café, y pénétre,
le traverse jusqu'à une rue que je fends à son tour
avant d'enquiller le centre piétonnier
à la nuit quadrillée d'enseignes
la nuit insaisissable
en surface de laquelle une foule chantante, un peu grise,
évolue indifférente à la noirceur
il fait nocturne sur les gens
les groupes s'offrent un paseo devant les restaurants
derrière les vitres desquels des jambes croisent
et décroisent en paquebots de luxe
la nuit se dit vraie
répandue multiple se déversant
elle illumine
dans le pinceau de ses phares d'autres jambes gainées de soie
tendues de toile, des bonnets enfoncés aux oreilles d'où cascadent des cheveux aux reflets libertaires,
des bottes, des sacs, des absences, des trajets solitaires – que, trop moi, j'évitais -
des bandes comme des poissons attablés ou flottant au-dessus du pavé
comme des oiseaux assemblés au crépuscule pour commenter les affaires du jour
la nuit peine à se faire noire
elle pousse le passant dans des tunnels dorés, au hasard des creux de Noël
l'oreille saisit des sabirs
l’œil capte des trajectoires
le pas s'épargne une influence - sa mécanique indépendante fait l'homme aller malgré lui,
pauvre ou riche, déprimé ou gaillard -
la nuit au pied du château était temps de suspens,
étiré, déformé, comme celui qu'offrait Kubrick dans sa pellicule
dont les cinéphiles nantais m'avaient privé
me rejetant au hasard de la rue
j'étais dans l'espace
incapable de situer l'avant l'après
quand soudain
le château a resurgi
évidence du temps venu
de partir
disparaître
se fondre
dans la nuit
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